YouTube a lancé la chasse aux bloqueurs de publicités comme Adblock. Mais cette opération se heurte déjà à plusieurs obstacles. Les adblockers se réinventent pour contourner les restrictions. Et Google risque d’être bloqué par la réglementation européenne. Décryptage.
Google a lancé une croisade contre les bloqueurs de publicités utilisés massivement sur YouTube. Dorénavant, la plateforme bloque le lecteur si vous utilisez un adblocker, vous invitant à le désactiver ou à vous abonner à YouTube Premium. Contacté par Tom’s Guide, Google confirme qu’une “campagne internationale” a été lancée, soulignant que “l’utilisation de bloqueurs de publicité est une violation des conditions d’utilisation de YouTube”.
Et le géant de rappeler que les publicités “soutiennent tout un écosystème de créateurs dans le monde entier et permettent à des milliards de personnes d’accéder à leur contenu favori sur YouTube”. Mais son opération se heurte déjà à plusieurs obstacles, les adblockers faisant preuve d’une grande réactivité pour contourner les restrictions. Qui plus est, Google risque d’être rattrapé par la réglementation européenne sur la protection de la vie privée. On vous décrypte tout ça.
YouTube : des bloqueurs de publicités sont encore fonctionnels
Plusieurs bloqueurs de publicités comme Adblock sont désormais détectés par YouTube. Mais d’autres échappent encore à la répression. On pense notamment à l’extension Adblocker for YouTube™ qui n’est pas inquiétée par les nouvelles mesures. Mais il y en a un paquet d’autres :
- uBlock Origin qui fonctionne toujours sur Firefox et même sur Chrome (en vidant le cache régulièrement).
- Le navigateur OperaGx, doté d’un bloqueur de pubs intégré, est également une bonne alternative.
- Si certaines extensions ne fonctionnent plus sur certains navigateurs, elles restent efficaces sur d’autres. Ce qui explique notamment le nombre record de désinstallations et d’installations survenues ces dernières semaines.
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YouTube : les bloqueurs de publicités touchés contre-attaquent
Contactés par nos soins, plusieurs gros adblockers confirment avoir déjà lancé les grandes manœuvres. Comme Adguard : “Avec YouTube, il est extrêmement important de garantir que les utilisateurs de bloqueurs de publicités reçoivent les dernières versions des listes de filtres. C’est pourquoi nous avons proposé le concept de ‘mises à jour différentielles’ qui est actuellement en cours d’adoption”, explique Andrey Meshkov, co-fondateur et directeur des nouvelles technologies d’AdGuard.
Ces mises à jour différentielles permettraient de contourner les restrictions imposées par Google mais aussi de réduire la consommation de bande passante et de minimiser la latence. “Au lieu de récupérer la liste complète des filtres à chaque fois qu’une mise à jour est disponible, les utilisateurs téléchargeraient uniquement les modifications apportées depuis leur dernière mise à jour”, précise AdGuard.
De son côté, AdLock défend “le droit de l’utilisateur d’accéder aux informations sous quelque forme que ce soit (même modifiées)”. Et de marteler que “le droit d’exécuter des programmes sur son appareil ne doit pas être violé”. Son entreprise mère, Hankuper s.r.o, a d’ailleurs déjà pris des mesures drastiques face aux restrictions :
“Nous avons déjà publié l’application Windows AdLock (disponible sur le site Web), permettant aux utilisateurs de contourner toutes les restrictions de YouTube. Après un déploiement réussi, nous prévoyons d’étendre ce mécanisme à d’autres plateformes”, nous confirme le PDG, Dmytro Astrakhantsev.
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YouTube : la lutte anti-Adblock risque de se heurter à la réglementation européenne
Spécialiste de la protection des données et de la vie privée, Alexander Hanff estime que YouTube bafoue l’article 5 de la directive européenne sur la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques. En substance, celle-ci interdit d’exploiter des données personnelles collectées sans l’aval de l’utilisateur. Problème, YouTube utiliserait un script de suivi illégal pour repérer les bloqueurs de publicités, ce qui irait à l’encontre de la directive.
Estimant qu’il s’agit d’un “logiciel espion” visant à surveiller le comportement des utilisateurs, l’expert a déposé plainte contre Google auprès de la Commission de protection des données (DPC) en Irlande. Et si l’irrégularité est confirmée, cela pourrait avoir un effet boule de neige dans toute l’Europe. Alexander Hanff est plutôt optimiste, même en cas d’appel. Auprès du Figaro, il précise d’ailleurs que de nombreuses plaintes similaires ont été déposées.
La CNIL, l’équivalent français de la DPC, va-t-elle entrer dans la danse ? “A ce jour, la CNIL n’a pas été saisie de plaintes sur le sujet”, indique le gendarme français des données personnelles à Tom’s Guide. Mais la porte est loin d’être fermée, l’autorité rappelant avoir “la possibilité d’adopter des mesures correctrices (mises en demeure, amendes), tant pour les dispositifs qui relèvent de la directive e-privacy que du RGPD”.
Pour le RGPD, c’est le mécanisme de guichet unique qui prime : “lorsqu’une société a son siège européen dans un autre Etat de l’UE, c’est l’autorité de protection des données de cet Etat qui est compétente pour agir en coopération avec les autres autorités concernées”. Mais ce mécanisme “ne s’applique pas pour les traceurs et cookies couverts par la directive e-privacy”, conclut la CNIL, citant les sanctions adoptées contre Google, Facebook, Microsoft et Apple.
“Nous allons bien sûr coopérer pleinement avec l’Autorité de protection des données pour toute demande ou question”, nous assure de son côté Google. Selon The Register, Alexander Hanff aurait également déposé plainte contre le géant en vertu de la loi irlandaise sur les abus informatiques.