À une époque où la culture samouraï se retrouve aussi bien dans les adaptations Netflix de qualité variable que dans des succès vidéoludiques comme Ghost of Tsushima, Rise of the Rōnin se positionne avec ambition. Mais derrière l’éclat de son armure, le dernier de Team Ninja cache-t-il des failles ?
Étant moi-même un immense fan de Sekiro et de Ghost of Tsushima (que j’ai refait cette année sur PS5, d’ailleurs), je dois dire que j’attendais Rise of the Ronin avec impatience. Mais force est de constater que j’ai eu bien plus de mal que prévu à le terminer pour ce test, pour différentes raisons. Alors, que vaut ce Rise of the Ronin, l’une des seules exclusivités PS5 de ce début d’année 2024 ?
Un récit noyé dans la confusion
Rise of the Ronin nous plonge au cœur de la période Bakumatsu, ces dernières années agitées du shogunat, où le Japon, sous la pression de la marine nord-américaine, s’ouvrait contraint et forcé au commerce international. C’est une époque riche en événements, que le jeu revisite avec une liberté créative typique de la culture pop japonaise, mélangeant figures historiques et libertés scénaristiques sans trop (voire, pas du tout) se soucier de l’exactitude historique.
En tant que ronin errant, vous vous lancez dans des quêtes, l’histoire se ramifiant en fonction de l’allégeance que vous choisissez. La structure des quêtes est plus proche d’un Assassin’s Creed que d’un Dark Souls cependant, avec des marqueurs objectifs remplissant la carte et de multiples outils comme des grappins et des planeurs disponibles pour vous aider à vous rendre rapidement de A à B.
Mais cette richesse narrative se perd parfois dans une mise en scène qui manque très franchement de finesse (propre à Team Ninja, vous me direz) introduisant un déluge de nouveaux personnages et d’intrigues si rapidement qu’il devient difficile de s’y attacher ou de suivre l’histoire. Le jeu tente d’alléger cette confusion avec une encyclopédie intégrée, mais cela ne suffit pas à donner corps à une narration qui semble courir après elle-même.
Dit autrement, cette stratégie peine à instaurer une connexion émotionnelle solide avec l’histoire, rendant l’aventure parfois difficile à suivre et à apprécier pleinement. Je ne vais pas mentir : j’ai dû me forcer à reprendre la manette à plusieurs reprises pour ce test, tant j’avais du mal à m’immerger. Les premières missions, avant le départ vers Yokohama, ont été particulièrement pénibles.
Une direction artistique sans saveur, brisée par une exécution médiocre
L’annonce d’un monde ouvert expansif et diversifié avait suscité de grandes attentes. Sur ce point, Rise of the Ronin livre des panoramas plutôt réussis, exploitant à merveille la richesse géographique du Japon pour offrir quelques moments de beauté visuelle.
La lumière et l’ombre jouent un rôle crucial dans son design, et grâce au système complet de cycle jour nuit et de météo du jeu, vous pouvez admirer des couchers de soleil d’un orange brûlé, des nuits d’un bleu profond, des grottes éclairées à la torche et même des scènes enneigées ou ravagées par les flammes.
Mais qu’on se le dise, cette réussite est entachée par des textures parfois grossières et une réalisation technique qui peine à rester constante, révélant les limites d’un monde qui promettait bien plus d’immersion et de dynamisme.
Le contraste sombre, les couleurs ternes, et même certaines des sections les plus lumineuses peuvent poser problème, les personnages et les décors se fondant l’un dans l’autre en raison d’une qualité d’éclairage insuffisante et de l‘absence d’illumination globale en temps réel ou d’une occlusion ambiante plus robuste.
La résolution est trop basse pour un jeu de la génération actuelle, entraînant souvent un effet de scintillement et une qualité d’image floue, sans parler de cet embêtant pop-in (des sprites, des arbres ou même des PNJ peuvent apparaître à quelques pas de vous).
Je préfère être clair : pour un titre ambitionnant de plonger les joueurs au cœur d’une période historique aussi riche, Rise of the Ronin peine étonnamment à insuffler vie et authenticité à ses villes et campagnes. L’absence palpable d’atmosphère, l’interaction limitée avec le monde et ses habitants, ainsi que la répétitivité des tâches et des quêtes secondaires contribuent à une sensation de vide, loin de l’effervescence et de la complexité que l’on pourrait attendre d’une telle époque.
À titre purement personnel, vous l’aurez compris, je n’ai pas du tout été séduit par la patte graphique du jeu. J’entend souvent parler ici et là d’un jeu vraiment next-gen, mais je ne suis pas d’accord : après Final Fantasy 7 Rebirth, ou même simplement Ghost of Tsushima en Director’s Cut, ce Rise of the Ronin fait tâche. Les déplacements très raides du personnage (et de la caméra) ainsi que des déplacements à cheval presque risibles, me rappellent clairement l’époque de la PS4.
Le mode de performance, qui promet 60 images par seconde, y arrive parfois péniblement. Le mode graphique, de 30 images par seconde, et le mode ray tracing, lui aussi de 30 images par seconde, sont décevants. Malgré tout, je recommanderais le mode performance, car l’élévation graphique par rapport aux autres modes ne vaut tout simplement pas la pénalité de fréquence d’images.
Presque sauveur, un art du combat samouraï sublimé
Heureusement, le jeu brille par son système de combat, véritable point fort de Team Ninja. Les joueurs découvrent une richesse de styles de combat et d’armes à maîtriser, offrant une expérience dynamique et gratifiante.
Loin d’être un simple mécanisme d’attaque et de défense, il offre une profondeur et une variété qui exigent du joueur non seulement de la dextérité mais également une compréhension stratégique du combat samouraï. Chaque arme possède plusieurs postures de combat (basse, moyenne, haute) influençant la vitesse, la puissance et la portée des attaques. Ce système de stances, emprunté et raffiné à partir des précédents jeux de Team Ninja, permet une adaptation fluide aux différents types d’ennemis et situations de combat, rendant chaque affrontement unique et stratégique.
L’un des aspects les plus remarquables est l’implémentation du système de contre et de parade, qui apporte une dimension tactique au combat. Bien exécuter un contre au moment précis où l’ennemi attaque non seulement annule les dégâts mais offre aussi une ouverture pour une riposte dévastatrice. Cette mécanique exige du joueur une observation attentive des mouvements de l’adversaire, transformant chaque duel en une danse mortelle où le timing et la précision sont rois. Oui, certains y retrouveront une petite touche de Sekiro.
Le “Ki” (ou énergie) joue également un rôle crucial, agissant comme une jauge d’endurance pour les attaques, les esquives et les parades. Gérer efficacement son Ki, en évitant la surconsommation et en saisissant les opportunités de le régénérer via des impulsions au bon moment, est essentiel pour maintenir l’avantage dans les combats prolongés.
La viscéralité des affrontements est un autre point fort du système de combat. Les impacts des coups sont ressentis de manière tangible grâce à une bonne utilisation des effets sonores et visuels, renforçant le poids de chaque attaque et la satisfaction des coups réussis. Les finitions, activées lorsque l’ennemi est suffisamment affaibli, ajoutent une couche supplémentaire de dramatisation, rappelant un peu la brutalité et l’art du combat samouraï.
Si le bestiaire du jeu ne brille pas par sa diversité, compensant l’absence de créatures fantastiques par un éventail d’adversaires humains aux armements et tactiques variés, cela n’enlève rien à la nécessité d’adapter constamment sa stratégie. Les affrontements contre les boss, en particulier, mettent en évidence la nécessité de comprendre et d’exploiter les faiblesses spécifiques de chaque adversaire, offrant des combats mémorables qui testent tout le spectre des compétences acquises.
Néanmoins, la variété limitée des ennemis et certains aspects répétitifs viennent ternir cette réussite, laissant un goût d’inachevé dans les batailles qui peuplent le jeu. J’ai, plusieurs fois, décidé de baisser la difficulté pour avancer plus vite dans l’histoire, tant j’en avais assez de ces combats répétitifs, parfois sans saveur. Car, au passage, Rise of the Ronin n’est pas un jeu facile, mais le premier niveau de difficulté vous permettra d’arriver plus ou moins au niveau de difficulté de Ghost of Tsushima.
Un jeu d’action-aventure qui ne fera pas l’unanimité
Après un peu plus de 25 heures passées à arpenter Yokohama, Edo et Kyoto, je m’arrêterais ici sur ce test de Rise of the Ronin qui réalise en partie ce qu’il avait promis : nous emmener dans une aventure ouverte et ramifiée au cœur du Japon du 19e siècle.
Cependant, là où l’on espérait que Team Ninja repousserait les limites, le studio a plutôt choisi une approche minimaliste. Mis à part son système de combat captivant et ses jolis paysages qui peuvent parfois transporter dans une autre époque, le jeu peine à transcender les conventions établies, flirtant trop souvent avec le superficiel sans chercher à innover ou à se distinguer véritablement de ce que l’industrie a déjà vu et revu.
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Ce faisant, Rise of the Ronin risque de diluer l’essence même de ce qui a forgé la réputation de Team Ninja au cours des vingt dernières années. Plus qu’une épopée samouraï immersive, il se présente comme un avertissement contre la tentation de suivre aveuglément les tendances, oubliant en chemin l’audace et la créativité qui devraient être le cœur de toute création. Un rappel pour ceux qui écoutent : l’innovation ne devrait jamais être sacrifiée sur l’autel de la conformité.
À titre personnel, encore une fois, je suis persuadé que ce Rise of the Ronin ne fera pas l’unanimité. Certains l’adoreront pour son gameplay nerveux et réussi, d’autres passeront des heures à tout voir et tout collecter, et certains, comme moi, hésiteront simplement à laisser tomber toutes les 30 minutes.
- La difficulté réglable (enfin un jeu Team Ninja accessible à tous)
- Des combats engageants, riches, réussis
- Un open world complet, où il y a beaucoup à faire
- Bon système de progression
- Graphiquement trop médiocre pour la PS5
- Une interface parfois trop complexe et peu inspirée
- Une IA ennemie complètement aux fraises
- Un réalisme presque absent
Pour les adeptes de l’expérience riche en nuances et visuellement époustouflante de Ghost of Tsushima, ou de l’intensité du gameplay et de la complexité narrative de Sekiro, ce Rise of the Ronin ressemblera à une estampe japonaise inachevée plutôt qu’à une toile complète. Les joueurs en quête d’une nouvelle odyssée samouraï à la hauteur de ces titres emblématiques pourraient donc trouver cette aventure moins captivante. Globalement, le petit dernier de Team Ninja m’aura rappelé l’importance cruciale de l’innovation continue et de l’attention aux détails dans la création de mondes ouverts historiques qui non seulement divertissent, mais aussi immergent et surtout, émeuvent.