Bel objet, creuset d’intelligence et de savoir-faire, le casque de réalité mixte d’Apple, premier représentant du spatial computing, est enthousiasmant. Mais il montre surtout tout le chemin qui reste à faire pour que cette technologie soit assez mûre pour changer notre quotidien à tous.
- 💸 Quel prix et quelle disponibilité ?
- 🎛️ Configuration : deux processeurs, une armée de capteurs
- 🤖 Persona et son : le mur de l’étrange et une surprise agréable
- 📺 Un casque, et trois écrans
- 🏋️♂️ Une question de poids
- 🧑🎨 Design : de bonnes idées, des points à améliorer
- 🕹️ Ergonomie : une nouvelle voie
- 📱 Vision OS, le sommet d’une pile technologique, à perfectionner
- 🍰 Vision Pro : des usages entre intégration et limites
- 🤷 Quels usages sortent du lot ?
- 🔋 Autonomie : peu endurant, mais est-ce grave ?
- ⚖️ Le verdict de notre test du Apple Vision Pro
- La qualité de fabrication
- Le tour de force technologique et matériel
- Une nouvelle forme d’interaction réussie
- Un aperçu séduisant du futur
- L’intégration dans l’univers Apple
- Le poids de l’ensemble
- Les usages encore à inventer
- Les interactions à peaufiner
- Les limites matérielles qui coupent de la réalité (augmentée)
- Vision OS encore jeunes et limités
- Le prix
Si on veut voir loin, le vrai enjeu du Vision Pro et de ses concurrents directs plus installés, plus populaires, n’est pas tant la réalité virtuelle que la réalité augmentée, ou mixte – autrement dit, le vrai futur, celui où cette technologie sera omniprésente et bouleversera notre quotidien.
Si Apple a inventé le spatial computing pour mettre de côté ces concepts préexistants, c’est qu’il sait fort bien que pour l’instant, la réalité virtuelle est trop limitée pour séduire le plus grand nombre et que la technologie n’est pas encore mûre pour offrir une réalité augmentée, ou mixte. Il faudrait pour cela que le support matériel se fasse oublier, se dissipe, se miniaturise, se fonde dans le décor et prenne la forme d’objets usuels, discrets.
Le Vision Pro est donc l’An I du spatial computing. C’est le premier pas d’Apple sur un long chemin qui le mènera peut-être à des lunettes de réalité augmentée fantasmée qu’on pourra porter en tout temps et en tout lieu, sans se poser la question de l’acceptation sociale, de la lourdeur de l’ensemble, de son autonomie ou de la validité des usages et donc du produit.
Le Vision Pro est dès lors un produit résolument imparfait, limité et frustrant, tout comme le sont tous les casques de réalité mixte. Le tester revient autant à juger ce qu’il apporte et qu’à deviner les contours d’un aperçu du futur possible. Un exercice complexe, auquel il n’est pas si courant de pouvoir se livrer. Même le premier iPhone, en 2007, n’était pas chargé d’une telle dimension, d’une telle potentialité.
Nous avons passé une semaine avec le Vision Pro, voici notre avis non définitif, puisque ce produit paraît autant être un champ de R&D mis en vente qu’un pan entier de futur à construire.
💸 Quel prix et quelle disponibilité ?
Pour différentes raisons : difficulté à produire assez de dalles, volonté peut-être de prendre la température et de donner le temps aux développeurs de construire une offre logicielle solide avant d’ouvrir les vannes, Apple a suivi la recette qu’il avait appliqué au lancement de l’iPhone. C’est donc à une sortie graduelle à laquelle nous avons affaire. Le Vision Pro a ainsi été ouvert à la précommande le 19 janvier dernier, et disponible commercialement depuis le 2 février, mais aux Etats-Unis seulement. Ce qui explique que pour l’heure les seuls prix connus soient exprimés en dollars US.
Apple propose trois versions de son casque de spatial computing, dont le prix varie pour l’heure uniquement en fonction de la quantité d’espace de stockage embarquée.
- Vision Pro, 256 Go : 3 499 dollars
- Vision Pro, 512 Go : 3 699 dollars
- Vision Pro, 1 To : 3 899 dollars
Le casque d’Apple n’est donc pas disponible officiellement à la vente dans les Apple Store, physiques et virtuels en Europe. En France, certains indices laissent penser que le Vision Pro pourrait arriver et par, ailleurs, certains acteurs proposent d’y accéder. C’est le cas de Next Mobiles, société qui fournit à la location des smartphones haut de gamme (Apple et Samsung) et également des MacBook. Le Vision Pro a été ajouté à la liste des produits loués par cette société, qui a eu la gentillesse de nous prêter une unité de test.
Actuellement le produit est indisponible, car les arrivages sont restreints, mais moyennant un apport initial de 299 euros et un paiement de 169,90 euros par mois vous pourrez utiliser le casque d’Apple, sans engagement.
Autrement, il vous faudra être patient et attendre un peu plus tard que le Vision Pro arrive également en France.
🎛️ Configuration : deux processeurs, une armée de capteurs
Le Vision Pro n’est évidemment pas un produit tech comme les autres. Ne serait-ce que par le simple fait qu’il est un casque de réalité augmentée, il est la convergence d’années de développement matériel et logiciel pour Apple. Ainsi, on trouve une puce Apple Silicon M2 à l’intérieur. La mise en fabrication du casque l’a certainement empêchée de bénéficier d’une puce plus récente, performante, et éventuellement plus économe en énergie – ce qui aurait sans doute été une bonne chose, nous y reviendrons. Au côté du M2, on trouve aussi un coprocesseur, le R1, autre puce maison, en charge de gérer le flux constant de données générées par les nombreux capteurs et douze caméras.
- Processeur : M2 8 cœurs CPU, 10 cœurs GPU et 16 cœurs Neural Engine
- Mémoire vive : 16 Go unifié
- Co-processeur : R1
- Ecran : micro-OLED
- Résolution d’écran : 23 millions de pixels
- Rafraîchissement : 90, 96 et 100 Hz
- Stockage : 256, 512 Go et 1 To
- Capteurs : Deux appareils photo haute définition, six caméras de suivi pointées vers l’extérieur, quatre caméras de suivi des yeux, caméra True Depth, Lidar, capteur de lumière ambiante, capteur de clignement, quatre unités de mesures de l’inertie, capteur biométrique de l’iris, six micro.
- Appareil photo : caméra 3D stéréoscopique (6,5 Stéréo Mpixels), grand-angle, éq. 18 mm, f/2.0
- Dimensions : 16 x 9 x 4 cm
- Poids du casque : 600 à 650 g
- Poids de la batterie : 353 g
- Connectivité : Bluetooth Wi-Fi 6, Bluetooth 5.3
- Système d’exploitation : Vision OS
- Modes d’interfaction : Mains, yeux, voix
- Sécurité : code et Optic ID
Et ces caméras et capteurs sont au cœur de tout. Il y a d’abord les caméras tournées vers le monde extérieur. Car d’emblée, malgré son design, le Vision Pro récuse sa parentée avec des casques de réalité virtuelle.
Dès son premier lancement, un traditionnel « Hello » géant se surimpose à la réalité, à la pièce dans laquelle vous êtes. Le Vision Pro ne vous coupe de la réalité que si vous le souhaitez. Ces caméras produisent un flux vidéo sans latence et de bonne qualité, en plein jour tout au moins. Le bruit numérique a hélas tendance à prendre le pas quand la lumière baisse. Dans ce cas, la réalité reproduite et augmentée aura tendance à avoir bien moins d’attrait. Il est également important de préciser, et vous le verrez d’ailleurs dans les captures d’écran, que pour alléger la charge de calcul du processeur la zone de netteté à l’écran se fait là où le regard se pose. Le reste de ce qui est affiché à l’écran est alors légèrement flou. Ce n’est pas réellement dérangeant, mais si parfois le passage de la netteté au flou attire l’attention.
Les caméras placées sous la partie inférieure du casque ont la charge de suivre avec grande précision vos mains, et mieux encore vos doigts. Tant que vous les laissez dans leur champ de vision vous pouvez être serein vos mouvements et pincements de doigts seront pris en compte par le casque. Pour tout dire, c’est assez bluffant quand on se rappelle la difficulté des premiers casques de VR grand public à vaguement détecter vos doigts ou vos mains. C’était il n’y a pas si longtemps.
Viennent ensuite les caméras qui suivent les déplacements de vos yeux et les expressions de la partie du visage qui est cachée par le masque.
Enfin, on citera une nouveauté dans un produit Apple, le capteur biométrique d’iris. C’est lui qui vous identifie quand vous enfiler le Vision Pro, le déverrouille, valide un achat, bref joue le rôle dévolu habituellement à Touch ID ou Face ID.
Pour le reste, le Vision Pro est compatible avec le Wi-Fi 6, seulement. Si le Wi-Fi 6E aurait évidemment été le bienvenu pour télécharger les applications ou des contenus, les usages requérant une faible latence ne sont pas nombreux, et les appels vidéo se passent généralement bien.
🤖 Persona et son : le mur de l’étrange et une surprise agréable
Digressons rapidement sur la question des appels vidéo via FaceTime, notamment. Deux choses, tout d’abord, on est surpris par la qualité du son des haut-parleurs intégrés sur chaque branche du casque. Ces petits blocs produisent un son riche et détaillé, qui arrive à plutôt bien rendre l’impression de spatialisation. Un point dont on se rend compte surtout en regardant des films, ou écoutant de la musique. Si vous entendez bien le son, les personnes autour de vous également et tant pis pour la confidentialité de vos discussions. Le plus simple sera alors de sortir vos AirPods Pro, qui se connecteront automatiquement.
Passons maintenant à l’aspect vidéo de ces appels. Vous pourrez apparaître sous la forme de votre avatar virtuel, votre Persona, comme l’appelle Apple. Pour le créer, il suffit de lancer l’opération depuis le casque, de l’ôter et de le tenir à bout de bras braqué vers vous. Il vous est alors demandé de tourner la tête, de la baisser, de la lever, de sourire, de fermer les yeux, bref, le Vision Pro utilisent ses différentes caméras, dont le module True Depth, pour produire une version 3D de votre tête.
A franchement parler le résultat est plutôt honnête, et vous êtes tout à fait reconnaissable. Toutefois, il y a des myriades de détails, une placidité dans le regard, une sorte apathie musculaire dans les joues, un manque de relief dans la peau et des jeux d’ombre parfois un peu étranges, qui font qu’on voit clairement qu’il s’agit d’un avatar numérique.
📺 Un casque, et trois écrans
Apple reste discret sur ses écrans, et pourtant le Vision Pro en embarque trois qui échappent évidemment à nos mesures et critères habituels. Un premier en façade, OLED et a priori fourni par Sony, est l’écran EyeSight. Il va reproduire votre regard pour que les personnes autour de vous puissent voir… que vous les voyez. La qualité du rendu n’est pas exceptionnelle, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais pas sûr que cela contribue à creuser davantage la vallée de l’étrange dans laquelle on se trouve quand on est confronté à ce regard virtuel. Car ce ne sont pas les yeux du porteur du casque qui sont reproduits en temps réel. Ce sont ceux de son avatar. C’est donc le regard de l’interlocuteur, sans être le sien. Et l’écran et ses larges bordures paraissent le rendre plus étroit, le contraindre, tandis que le reste de la structure du casque cache évidemment une part importante du visage de son porteur…
L’idée de départ est louable, mais il y a quelque chose d’un peu inquiétant, de déplacé, de presque vrai, mais tout est dans le presque. Le résultat est bon, mais pas encore photoréaliste, il nous place clairement dans la très habitée vallée de l’étrange.
Viennent ensuite les deux autres écrans, un pour chaque œil. Ce sont eux qui assurent le spectacle et qui vont nous mettre sous les yeux la réalité augmentée d’Apple dès la mise en route du casque. Ils sont micro-OLED, ultra-lumineux, avec une densité de pixels très élevée et une latence très basse.
A en croire les experts des chaînes de production de dalles de DSCC, ces écrans seraient capables de produire 5 000 cd/m2. Ce qui est énorme, surtout si on considère qu’ils sont à quelques centimètres seulement des yeux du porteur.
Toutefois, il est important de rappeler que les lentilles, notamment, situées entre l’écran et l’œil induisent une forte perte de luminosité – environ 85%. Vous ne vous retrouverez donc pas à regarder directement dans le soleil… D’ailleurs, quand on porte le Vision Pro on n’est jamais ébloui, on a même l’impression que la pièce est un toujours peu plus sombre qu’elle ne l’est en réalité. Ce n’est jamais gênant et l’exposition de l’environnement est toujours bien mesurée et assez proche de la réalité.
Il est d’ailleurs possible de faire varier cette luminosité grâce à des lumières d’ambiance, qu’on pourrait décrire comme une sorte de mode True Tone superposée à la réalité filmée par le casque et présentée sous vos yeux.
En règle générale, le rendu est impeccable et parfaitement appliqué, surimprimé à la lumière réelle, toutefois il nous est arrivé de relever quelques petits ratés. Ainsi, si une pièce n’est pas éclairée uniformément, l’éclairage dans le casque aura tendance à hoqueter et varier en fonction de là où vous poserez votre regard. Pour prendre un exemple, l’éclairage intense d’un plan de travail dans une cuisine, pendant que le reste de la pièce n’est que faiblement éclairé posera problème au casque si vous cuisinez en portant le Vision Pro et portez votre regard d’une zone à l’autre.
Quoi qu’il en soit, Apple a sans doute fait appel à Sony pour ces minuscules dalles hyper définies et résolues. Des versions adaptées des viseurs que le géant nippon a développé pour ses appareils photo haut de gamme. Mais c’est TSMC qui serait chargé de fabriquer ces dalles OLED-on-silicon.
Lors de son démontage du casque d’Apple, iFixit a réussi à mesurer leur surface allumée. Chacune mesure 2,75 x 2,4 cm, avec des pixels qui mesurent seulement 7,5 micromètres. La surface allumée compatibilité 3 660 x 3 220 pixels, ce qui revient à dire qu’il y a 12 078 000 pixels regroupés sur seulement 6,3 cm2. Toujours d’après iFixit, du fait de la forme asymétrique des lentilles, ce sont 11 437 866 pixels par écran qui sont visibles, on arrive donc plus ou moins aux 23 millions de pixels annoncés par Apple.
D’un point de vue de la définition, on est donc très légèrement en deçà des 3 840 pixels de large de la norme 4K UHD, ces dalles ne peuvent donc pas prétendre à une telle appellation.
En revanche, leur résolution est tout à fait exceptionnelle à 3 386 pixels par pouce. Là où les iPhone 15 Pro n’ont pas à rougir avec environ 460 pixels par pouce, et là où le Meta Quest 3 affiche environ 1 218 pixels par pouce. Néanmoins, il est important de rappeler que l’on regarde la dalle de très près et au travers d’une lentille. Il faut donc parler de résolution angulaire (en pixels par degré) qui est ici moindre que celle d’un MacBook Pro, par exemple, avec ces 254 ppp.
Dès lors, déporter l’affichage de son MacBook dans un environnement virtuel revient à contempler un écran moins bien résolu. Ce qui peut être source de fatigue oculaire chez certaines personnes.
Néanmoins, quand on porte le Vision Pro, il faut le reconnaître qu’on a sous les yeux la meilleure image virtuelle du marché. Qu’on soit sur la Lune, au pied des monts du Yosemite ou dans les plaines du parc de Joshua Tree, l’environnement est superbe, lumineux, contrasté, et Apple a poussé le vice jusqu’à faire en sorte que la position du soleil évolue en fonction de l’heure, étirant les ombres, donnant vie lentement au paysage par ailleurs immobile. Ce n’est pas une vidéo, mais bien une image détaillée et de haute qualité à 360°. Si vous aimez les détails, vous apprécierez sans doute de voir l’ombre projetée par les fenêtres virtuelles et flottantes sur le sol virtuel. Un détail, oui, mais qui dit beaucoup de l’attention portée à chaque élément du Vision Pro.
Abordons brièvement la question de l’impact de l’écran sur les yeux. Les casques de réalité virtuelle étant récents, il est difficile de savoir avec certitude quels effets ils ont. Néanmoins, au cours de notre semaine d’utilisation intensive, nous avons pu constater que nos yeux étaient plus secs, car nous avions tendance à moins ciller. Le poids de l’ensemble ayant tendance à appuyer au niveau du front et à repose juste au-dessus de joues, il arrive parfois qu’il tire la peau et écarquille un peu les yeux. Il faut alors le réajuster…
🏋️♂️ Une question de poids
Avant de rentrer dans le détail, écartons d’emblée la question du poids. Apple aime utiliser des matériaux dits nobles dans ses produits, dont l’aluminium, pour sa qualité de finition, sa solidité ou encore pour sa capacité à bien gérer la dissipation thermique. Néanmoins, ce matériau est plus lourd que du simple plastique. De facto, le casque d’Apple avec ses plus de 600 g pèse lourd – pour comparaison le Meta Quest 3 n’affiche que 515 g sur la balance.
Le tour de tête par défaut du Vision Pro est très esthétique, mais ne présente qu’une seule sangle. Cela aboutira à reporter le poids du casque surtout sur le front, et la nécessité de bien arrimer le Vision Pro a tendance à pousser l’utilisateur à trop le serrer, renforçant de fait cette pression un peu désagréable.
En définitive, si vous souhaitez utiliser le nouveau jouet d’Apple plus d’une demi-heure, le modèle avec deux bandes est bien plus confortable. Non seulement le poids est réparti entre le front et l’arrière de la tête, mais il repose aussi sur son sommet. L’équilibre du poids est alors quasi parfait, et l’ensemble se fait plus discret, même s’il est assez facile d’avoir un petit masque rouge sous les yeux et sur le front pour peu que vous ayez un peu serré l’ensemble.
Toutefois, malgré son poids, une fois bien équilibré, nous n’avons pas ressenti de fatigue cervicale lors de nos longues sessions de travail, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Il est en revanche assez évident qu’il est impossible ou en tout cas très inconfortable de faire du sport avec ce casque. Se lancer dans une séance de méditation est envisageable, mais faire des pompes, sauter sur place ou même simplement enchaîner des abdominaux sera vite désagréable. Le casque semblera peser plus lourd, bougera sans cesse et la sueur transformera l’intérieur du Vision Pro en petite étuve.
🧑🎨 Design : de bonnes idées, des points à améliorer
Esthétiquement, le Vision Pro est très réussi, avec de faux airs de galet poli, fait de métal et de verre. Il est impressionnant de voir avec quelle ingéniosité, les ingénieurs et designers d’Apple ont réussi à cacher les caméras et capteurs, à les intégrer dans les courbes du boîtier. Pas d’excroissance disgracieuse ou cyberpunk ici.
La structure en aluminium affiche une belle solidité, en revanche, la grande façade en verre inquiète davantage. D’ailleurs, Apple ne s’y est pas trompé en fournissant une sorte de housse en tissu rembourrée qu’il sera fort bien venu d’enfiler à son Vision Pro dès que vous ne l’utiliserez plus. Même en faisant attention nous nous sommes fait quelques frayeurs. Non pas en risquant de rentrer dans un mur, même en VR, une alerte vous prévient quand vous approchez d’un obstacle. Non, c’est tout simplement que la partie en tissu rembourré qui sert à isoler les yeux de la lumière extérieure est maintenue en place par des aimants. Or, ceux-ci ne maintiennent pas cette partie du masque assez fermement quand on s’en saisit – pour enfiler le masque ou l’ôter, par exemple. Ce qui fait qu’on se retrouve assez fréquemment à la détacher par mégarde, au risque parfois de laisser s’échapper le casque.
Ce petit couac est d’autant plus surprenant que le reste du design est particulièrement bien pensé. La mollette pour resserrer le serre-tête est facile à manipuler. Le système de fixation du harnais de tissus sur les branches latérales du casque est particulièrement ingénieux. Même chose pour la disposition du port qui connecte la batterie au casque.
Car, oui, contrairement à la plupart des casques autonomes – pour ne pas dire tous –, la batterie du Vision Pro est logée dans un boîtier externe qui ressemble à un gros iPhone, très épais, et qu’il vous faudra tenir à la main, poser sur votre bureau ou glisser dans une poche. Bien entendu, les accessoiristes en orbite autour de la planète Apple proposent déjà des éléments qui permettent de la fixer à votre ceinture… A elle seule, elle pèse 353 g, ce qui n’est pas rien, et aurait rendu le Vision Pro impossible à porter, si elle avait été intégrée.
Apple n’a pas prévu qu’il soit possible de changer la batterie à chaud sans que son casque ne s’éteigne. Toutefois, un port USB-C permet sa recharge pendant l’utilisation, et de facto, nous n’avons jamais été à court de batterie, sauf quand nous voulions tester son autonomie. Évidemment, tout dépendra de la façon dont vous utiliserez le Vision Pro, nous l’avons évalué à la maison, donc toujours à proximité d’une prise, et ne nous sommes pas amusés à prendre le métro avec ou à faire du vélo en le portant…
🕹️ Ergonomie : une nouvelle voie
On a déjà eu l’occasion de le dire lors de l’officialisation du casque en juin 2023, mais le Vision Pro semble, en partie, synthétiser des trouvailles ergonomiques distillées au fil des produits ces dernières années. Ce sont ces trouvailles que l’on trouve aux commandes du casque.
Il y a tout d’abord Siri, qui permet de commander le Vision Pro à la voix. Nous réserverons notre avis pour l’instant, car il n’était disponible qu’en anglais dans notre modèle de test. S’il s’est montré plutôt réactif, on sait également que sa version française est toujours très en retrait. Il faut donc espérer que l’assistant d’Apple fera de grand progrès. Cette année, la WWDC devrait être nimbée d’IA et on ne peut qu’espérer que le géant de Cupertino prendra enfin le train lancé par ChatGPT et les autres algorithmes génératifs pour doper son Siri…
Viennent ensuite le large bouton sur le sommet gauche du Vision Pro, qui sert à l’allumer, mais aussi à prendre des photos et vidéos « spatial ». A franchement parler, cet usage nous a semblé très anecdotique. Autant consulter de tels souvenirs capturés avec un iPhone nous paraît envisageable, autant il nous paraît encore invraisemblable en ce mois de mars 2024 de nous trouver au milieu d’une fête de famille avec le Vision Pro sur la tête, comme si de rien n’était, photographiant ou filmant en portant le casque, pendant que le reste du monde fait la fête…
Sur le côté droit de la partie supérieure du casque d’Apple, on trouve sa digital crown, qu’on ne présente plus depuis qu’elle a pris place dans l’Apple Watch. Elle servira beaucoup. Trop même. C’est elle qui permettra de quitter une application d’une pression, d’invoquer l’interface de Vision OS, ou qui, en tournant, fera varier le volume sonore ou l’ampleur de votre immersion dans un environnement virtuel. Nous y reviendrons.
Enfin, la pièce de résistance, véritable nouveauté dans l’univers d’Apple, le contrôle par les yeux. Même les plus sceptiques et réfractaires, ceux qui préfèrent au départ taper du bout du doigt sur le clavier virtuel qui flotte devant eux, adoptent rapidement cette fonction qui permet de contrôler toute l’interface du casque. On regarde un bouton, une icône, on pince les doigts et le choix est validé. De même, fixer son regard sur le bas d’une fenêtre fait apparaître une sorte de petite poignée blanche, un trait, qu’on peut saisir en pinçant deux doigts. On peut alors déplacer la fenêtre dans l’espace autour de soi, et on l’y retrouvera plus tard. Pour continuer avec les interactions possibles, regarder le coin inférieur d’une fenêtre fera se matérialiser une petite ligne courbe, pincer deux doigts permettra de la saisir et de changer les dimensions de la fenêtre.
Précisons que l’occlusion est généralement bien gérée, malgré quelques légers ratés. La façon dont les mains sont gérées quand elles entrent dans le champ de vision, cachant ainsi un objet virtuel, est sans doute la meilleure illustration de cette réussite.
Contrairement à ce qu’on peut faire au départ, il n’est pas nécessaire de réaliser de grands gestes amples pour interagir avec les éléments virtuels, les mains peuvent rester sur le bureau ou les cuisses. En tout cas, il faut qu’elles restent dans le champ de vision des caméras.
Le couple d’interaction yeux/doigts devient rapidement naturel, même s’il a des limites. La saisie d’un message long est rébarbative, et Siri condamné à parler anglais dans notre version de test n’était d’aucune utilité pour dicter un message en français.
Pour en revenir au suivi des yeux, il faudra bien prendre l’habitude de ne pas laisser son regard partir vers la prochaine zone d’interaction tant que le premier bouton ou la première touche du clavier virtuel n’est pas validé. Une question de rythme et d’habitude.
Et puis, on regrettera aussi qu’Apple n’ait pas prévu plus de « gestes ». On aimerait pouvoir éviter de se retrouver trop souvent à devoir appuyer sur la couronne digitale : un serrage de poing pour revenir à l’accueil serait parfait, par exemple.
📱 Vision OS, le sommet d’une pile technologique, à perfectionner
Quand Vision OS se matérialise pour la première fois, flottant dans votre salon, cuisine ou bureau, il est impossible de ne pas se sentir à la maison. La calibration des capteurs de suivi de vos yeux vous a appris à cibler une appli, un menu, un bouton et désormais des icônes prennent tout l’espace, bien aligné, comme si on les avait détachés d’iPadOS pour les faire léviter entre vous et la réalité.
On perçoit immédiatement que Vision OS est construit sur un empilement de réflexes, d’habitudes, de designs connus. On trouve immédiatement ses marques, retrouve ses petits : Safari, Notes, Musique, Apple TV+, l’App Store, toutes les applis d’Apple sont là, bien entendu. Tout est en ordre, éléments 2D incrustés dans un monde en 3D. Certains de nos amis qui ont testé le casque pendant cette semaine le regrettent, et aimeraient que l’interface aussi soit en 3D, il nous semble toutefois que ce serait complexifier les choses pour rien à l’heure actuelle. Laissons-nous le temps de nous habituer.
Toutefois, rapidement, on remarquera que le syndrome des débuts a encore frappé Apple. Ainsi, des fonctions d’iOS ne sont pas présentes dans Vision OS. Impossible de créer des dossiers, par exemple, impossible également de modifier l’ordre des applications, qui sont classées par ordre alphabétique sur une succession de pages. Tant pis pour Zoom, toujours bon dernier, en attendant l’arrivée de Zwift, que nous n’avons pas vu, mais peut-être l’avons-nous raté.
De même, les WebApps ne sont pas encore les bienvenues, et les applications WebXR, qui demandent l’activation de menu avancé, ne sont pas toujours très fonctionnelles, même si le suivi des mains et doigts est censé fonctionner avec elle aussi.
Bref, il y a de nombreux défauts de jeunesse. Certains sont plus gênants que d’autres, on citera notamment le centre de contrôle, dont il faudra accélérer l’accès et enrichir les options. Mais, en définitive, un des points les plus problématiques est l’entêtement d’Apple à fournir des produits mono-utilisateurs. Le Vision Pro bénéficie bien d’un mode démo, mais il n’a qu’un compte utilisateur. Autrement dit, soit vous devrez laisser l’accès au casque non sécurisé pour que toute la famille puisse l’utiliser, diminuant la sécurité de vos données, soit vous serez le seul à pouvoir en profiter.
Un point qui ne fait que renforcer l’isolement que créent les casques de réalité virtuelle, alors qu’Apple semble vouloir l’éviter autant que possible. Si le Vision Pro est matériellement un casque VR, sa conception logicielle en fait avant tout un casque de réalité mixte, où la réalité est toujours là. On perçoit bien derrière ces barrières le projet au long cours de lunettes de réalité augmentée qui ne s’interposeront pas entre l’utilisateur et le monde, mais pour l’heure les technologies ne sont pas prêtes. Donc tout élément qui renforce cette coupure entre l’utilisateur et le monde réel devrait être supprimé, car il est un point de friction sociale, un point d’achoppement dans le quotidien.
🍰 Vision Pro : des usages entre intégration et limites
Mais au-delà de ces erreurs de jeunesse, il faut parler de l’App Store, pourvoyeur essentiel d’usages sur tous les appareils d’Apple depuis l’arrivée du premier d’entre eux sur l’iPhone en 2008.
Celui du Vision Pro recèle certainement le même potentiel, mais pour l’heure il est encore bien vide, et surtout manque d’applications qui créent une nouvelle habitude, un nouvel usage, qu’on lance une fois passée la curiosité.
Une application, comme AmazeVR, qui propose des concerts virtuels, laisse assez perplexe, aussi bien par son contenu que par son intérêt global – la qualité des avatars nous a semblé assez sommaire… Au-delà des applications de méditation, nombreuses, un programme comme Gymaholic, qui vous propose de vous entraîner en VR, se heurte rapidement au fait qu’un casque aussi encombrant et lourd que le Vision Pro ne fait pas bon ménage avec des mouvements rapides et une tête en sueur.
Enfin, Word, qui est de toutes les aventures, est victime du clavier virtuel. Un clavier Bluetooth pourrait être la solution mais là encore, on aimerait qu’Apple trouve un moyen de rendre ce clavier visible quand on utilise les environnements virtuels.
Car, si la réalité mixte est le cœur de la promesse du Vision Pro, Apple vous permet aussi de vous isoler du monde et de gagner en concentration. Écrire depuis la Lune, ou entouré d’une plaine enneigée ou le bord d’un lac devient rapidement un plaisir. La possibilité de gérer facilement la taille de cette bulle virtuelle autour de vous grâce à la couronne digitale est un plus indéniable.
Vous pourrez ainsi masquer tout l’environnement qui se trouve en face de vous, mais garder « visible » votre bureau et le clavier de votre MacBook, dont l’affichage est déporté dans la réalité augmentée grâce à la fonction Mac Virtual Display – joli symbole de la force de l’intégration du Vision Pro dans l’écosystème d’Apple. Quand le spatial computing héberge le personal computing… Cela permet d’avoir des espaces de travail plus vastes, même si on pourra toujours regretter de ne pouvoir avoir qu’un « bureau » à la fois. A noter que le son des fenêtres virtualisées de macOS provient toujours du Mac…
Autour de votre écran de Mac, que vous placez et dimensionnez comme bon vous semble, vous pouvez ouvrir des fenêtres applicatives de Vision OS, qui peupleront l’espace comme vous le souhaitez. Nous avons ainsi, par exemple, placé l’écran de notre Mac au centre du champ de vision, une fenêtre X, anciennement Twitter, très à gauche, pour ne pas trop nous déconcentrer, et Messages ouvert à droite pour suivre quelques conversations. Avoir tout cela sous les yeux d’un simple mouvement de tête est vraiment plaisant et pratique.
Cette fonction serait parfaite s’il était possible de voir la réalité proche de manière totalement nette, via les caméras qui la filment. En effet, si la netteté à quelques mètres est bonne, nos notes manuscrites posées sur une table à une vingtaine de centimètres sont très difficilement lisibles. La réalité augmentée ne fait pas bon ménage avec les technologies anciennes, semble-t-il.
Mais au-delà de cette limite, on soulignera également que Apple pourrait améliorer la fusion entre les deux environnements dans Mac Virtual Display. Il est en effet possible d’utiliser la souris du Mac pour interagir avec les fenêtres de Vision OS, en revanche, on ne pourra pas contrôler celle du Mac du regard. Dommage.
🤷 Quels usages sortent du lot ?
En définitive, au-delà de la productivité, passer ces longues heures à travailler dans la réalité augmentée ou virtuelle, quels sont les usages qui ressortent et pour lesquels on préfère le Vision Pro à une tablette, un smartphone ou un ordinateur ?
La visioconférence ? Pas forcément, même si le casque d’Apple permet de revisiter un peu l’exercice, tout en flirtant avec la dérangeante vallée de l’étrange. Les séances de sport ? Pas franchement non plus, même si on peut volontiers imaginer des programmes qui tireront parti des capteurs du Vision Pro et de sa capacité à afficher en 3D des coachs. La consultation de contenu vidéo ou 3D ? Oui, certainement. Cuisiner en suivant une recette sur un écran et en regardant un film sur un autre, mettant en pause alternativement l’un et l’autre pendant qu’on prépare le repas familial est franchement agréable et le contrôle optique est parfaitement adapté aux doigts enfarinés. Regarder un épisode de sa série préférée sur Disney+ assis dans un landspeeder sur Tatooine, ou via Apple TV+ dans un véritable cinéma virtuel, est vraiment bluffant et reproduit l’expérience du grand écran de manière très convaincante. Le son spatialisé jouant aussi à fond dans cette impression. Néanmoins, pour profiter de ce petit plaisir virtuel, mieux vaudra être seul… ou fortuné pour équiper toute sa famille en Vision Pro. Un beau budget.
Les mondes de l’éducation et du divertissement ont clairement là un beau jouet. Il suffit de voir un enfant, un ado ou un adulte s’émerveiller d’un voyage dans un cœur ou le système solaire pour s’en convaincre. Mais est-ce assez ? On vous laisse répondre à cette question après avoir éventuellement consulté votre banquier.
🔋 Autonomie : peu endurant, mais est-ce grave ?
Au cours de notre semaine d’utilisation, nous avons pu constater que l’autonomie moyenne du Vision Pro tourne autour des deux heures et demie. Tout dépendra d’à quel point, on sollicite le M2, la connexion Wi-Fi ou les caméras. Il nous est arrivé de tenir à peine plus de deux heures ou de flirter avec les trois heures. Notamment en regardant un film.
La question de la recharge n’est pas vraiment problématique puisque vous pouvez utiliser le casque pendant que la batterie fait le plein. Cela pourrait devenir une préoccupation si vous vous sentiez tout à coup de partir prendre le métro ou de vous promener dehors avec le casque sur la tête, mais croyez-nous sur parole, ni vous ni le monde ni même le Vision Pro n’êtes prêts pour ça…
⚖️ Le verdict de notre test du Apple Vision Pro
- La qualité de fabrication
- Le tour de force technologique et matériel
- Une nouvelle forme d’interaction réussie
- Un aperçu séduisant du futur
- L’intégration dans l’univers Apple
- Le poids de l’ensemble
- Les usages encore à inventer
- Les interactions à peaufiner
- Les limites matérielles qui coupent de la réalité (augmentée)
- Vision OS encore jeunes et limités
- Le prix
En ce début 2024, le Vision Pro est ce qui se fait de mieux matériellement parlant. Apple brille et étale son savoir-faire, trouve des solutions, contourne des problèmes… Mais ce n’est pas assez. Ses limitations de jeunesse logicielles, qui se dissiperont sans doute vite, et ses limites matérielles, là pour durer, font qu’on se demande si ce type de casque aura un jour ce qu’il faut pour séduire le grand public. Tout revient à la question des usages, à la simple et bête question de ce qu’apporte au quotidien le Vision Pro. Et, à 3 500 dollars, le compte n’y est pas.