À 40 ans, cet homme est à la fois aveugle et synesthète, une grande première. Il est capable de ressentir la texture des nombres, des jours de la semaine et des mois de l’année. L’étude, menée par l’Université de Trente en Italie, présente ses étonnants résultats dans la revue Neuropsychologia.
Une étude publiée dans la revue Neuropsychologia met pour la toute première fois en lumière un cas d’homme aveugle atteint de synesthésie. À 40 ans, « CB », le surnom qui lui a été donné dans l’étude, est né avec une cécité totale, due à une rétinopathie congénitale. Si’l lit le braille couramment et n’a aucun antécédent médical, CB est capable de ressentir la textures des nombres, lettres, jours et mois de l’année.
Un tout premier cas de cécité et de synesthésie
La synesthésie est un phénomène neurologique dans lequel deux ou plusieurs sens sont associés. Perçu par environ 3 % de la population mondiale, ce phénomène consiste en un liage sensoriel inhabituel, dans lequel certains stimuli évoquent automatiquement une perception additionnelle. En revanche, c’est la première fois qu’une étude met en lumière un cas d’homme à la fois aveugle et synesthète.
Pour l’étude, les chercheurs ont proposé à CB de « lire » un tableau constitué de 40 carrés emplis de textures et de matériaux différents : papier, métal, coton, plastique, bois. Pour chaque nombre, mois ou jour dans la semaine, l’homme devait déterminer quelle texture s’apparentait le plus à son ressenti.
« Par exemple, pour les associations chiffres-couleur, on demande à la synesthète de choisir dans une palette la couleur la plus proche de celle qu’elle imagine » détaille Jean-Michel Hupès, chercheur au Centre de recherche cerveau et cognition à l’Université de Toulouse et au CNRS. Pour CB, le chiffre 3 se rapprochait du velours et le mois d’avril évoquait pour lui la texture du plastique.
À lire aussi : Google vous fait écouter les couleurs comme Kandinsky avec cette expérience virtuelle
Afin d’assurer que le synesthète n’inventait pas à chaque fois, les chercheurs lui ont demandé de retenter l’expérience quelques mois plus tard. Pour comparer, l’étude proposait en outre à dix autres participants de s’essayer à la même démarche. Ces derniers devaient, eux, mémoriser leurs choix.
Le résultat est sans appel. Au deuxième essai, les dix participants n’auront apporté que 7 % de réponses similaires, là où le synesthète de 40 ans aura été exact à 75 %. Pour Jean-Michel Hupès, cette étude démontre que la vue n’est donc pas un pré-requis à la synesthésie. « […] le plus souvent, l’association synesthésique se fera également à l’écoute des mots, voire à leur évocation mentale : dans ce cas l’inducteur est sémantique, il s’agit plutôt du concept. Certains chercheurs ont même proposé que l’inducteur synesthésique soit en fait toujours conceptuel » indique-t-il.
Source : Neuropsychologia