Généraliser l’utilisation du courant continu dans de nombreux domaines pourrait constituer l’une des solutions pour faire face à notre consommation de plus en plus importante d’électricité.
Polluantes, chères et surtout en voie de disparition les énergies fossiles n’ont plus la cote. Corolaire de cette situation, le nombre d’équipements qui consomment de l’électricité (pompes à chaleur, climatisations, voitures…) ne cesse d’augmenter. Et cela ne devrait pas s’arrêter puisque, si l’on en croit les estimations de l’Agence internationale de l’énergie, la demande mondiale d’électricité devrait continuer de croitre d’environ 4% tous les ans.
Si l’on prend le cas de la France particulièrement bien équipée en centrales nucléaires, répondre à cette demande n’est pas insurmontable à condition qu’elle soit lissée. Le problème, en effet, c’est d’être capable de le faire quand tout le monde veut consommer : c’est-à-dire savoir répondre aux appels de charge les plus élevés.
Construire de nouvelles centrales nucléaires juste pour être capable de fournir plus de courant pendant quelques jours dans l’année n’apparait pas comme une hypothèse très tentante. La Korean Electricity Power Corporation (l’EDF coréen) estime d’ailleurs qu’il faudrait construire 5 centrales nucléaires supplémentaires en Corée juste pour couvrir les pics de consommation.
Le courant continu, une solution pour gérer les pics de consommation
Mais qu’on se rassure, il existe une solution, l’adoption beaucoup plus généralisée du courant continu*. Car aujourd’hui même si tous nos équipements électroniques fonctionnent en courant continu, la plupart de nos infrastructures (nos habitations y compris) fonctionnent en courant alternatif**.
Si ces 2 formes d’électricité présentent chacune des atouts, le courant continu offre beaucoup plus de flexibilité et un meilleur rendement. Les bénéfices pourraient être une efficacité de 5 à 10% plus élevée, ce qui pourrait se voir directement sur la facture, mais surtout un fonctionnement différent beaucoup plus facile à gérer.
Il deviendrait possible lorsque la demande est au plus haut de réguler la quantité de courant délivré. Par exemple, votre machine à laver pourrait recevoir automatiquement un peu moins d’électricité et adapter son fonctionnement sans pour autant interrompre le programme en cours.
De même, l’énergie générée par vos panneaux solaires ou stockée dans la batterie de votre voiture électrique pourrait être réinjectée dans le réseau à certains moments stratégiques.
Rassurez-vous, pas besoin de modifier toute votre installation domestique pour passer en courant continu. En revanche, il n’est pas exclu que la transformation se fasse en amont de votre habitation et que votre quartier soit un jour alimenté en courant continu.
Current/OS, un groupement en faveur d’une normalisation rapide
Pour défendre cette idée, les grandes entreprises du monde de l’électricité ont créé Current/OS, un groupement qui a pour objectif de pousser les institutions européennes et internationales à fixer des règles claires pour permettre le développement du courant continu rapidement.
Yannick Neyret, détaché par Schneider Electric pour agir au sein de ce groupement, confirme que « l’enjeu est de sortir rapidement des normes et des standards pour le marché afin qu’il puisse se développer rapidement et de façon coordonnée ». Il considère qu’il faudrait que tout soit réglé au plus tard en 2030, au moment où le marché sera prêt à décoller.
« Aujourd’hui nous sommes leaders sur ce marché et 3 des 4 plus grosses entreprises du secteur (Schneider, ABB et Siemens) sont européennes », précise Yannick Neyret. Et pour ne pas perdre ce leadership, il faut donc agir rapidement.
La Chine en avance sur les tests
Car bien évidemment le risque de se faire dépasser par la Chine est très présent. Cette dernière possède déjà 500 sites de test en courant continu alors que l’Europe n’en recense que 17.
Ce type de projet est particulièrement compliqué à monter en France où beaucoup de dérogations et de contrats spécifiques sont nécessaires pour contourner la règle qui empêche à quiconque de vendre autre chose que du 230 volts en courant alternatif de 50Hz.
Un défi supplémentaire pour l’Europe qui veut et doit affirmer son indépendance dans de nombreux secteurs.
* Le courant continu (DC) est un type de courant électrique dont l’intensité circule dans une seule direction, sans inversion de polarité. Il est utilisé dans les batteries, les panneaux solaires et l’électronique.
** Le courant alternatif (AC) est un type de courant électrique dont la direction et l’intensité varient périodiquement, suivant une forme sinusoïdale. Il est utilisé pour le transport et la distribution d’électricité, notamment dans les réseaux électriques domestiques et industriels.