Epson a invité ce mardi la presse pour discuter des différentes questions autour des accusations d’obsolescence programmée. Opération porte-ouverte et gestion de crise.
Six mois après l’ouverture d’une enquête de la DGCCRF et trois mois après la diffusion d’un reportage d’Envoyé Spécial sur l’obsolescence programmée, le constructeur d’imprimantes Epson est enfin sorti de son silence. Ce mardi, il organisait dans ses locaux une rencontre avec des ingénieurs, des responsables marketing et les plus hauts responsables européens. L’occasion de faire le point sur les principales critiques soulevées ces derniers mois et de répondre à toutes les questions.
« Epson rejette toute accusation d’obsolescence programmée », indique d’office Rob Clark, le vice-président Europe du constructeur. Au moins, on est fixé, l’heure ne sera pas aux concessions. Du côté d’Epson, on campe sur ses positions, on défend son modèle économique et ses innovations technologiques. C’est ainsi que sur la matinée passée, une bonne demi-heure a été accordée à décrire la taille des gouttelettes d’encre pulvérisées sur le papier, de l’ordre du picolitre pour information.
L’encre qui reste au fond des cartouches
Parmi les principales critiques faites à Epson, comme aux autres constructeurs, pour les accuser d’obsolescence programmée, les cartouches d’encre sont un argument régulier. Les usagers qui voudraient démonter une cartouche soi-disant vide constatent généralement qu’il reste une bonne dose d’encre. « L’encre dans les cartouches est destinée à l’impression, mais aussi à rester dans les cartouches », nous indique-t-on, sans chercher à nier l’évidence.
Pour Epson, cette encre doit rester au fond des cartouches, afin d’empêcher l’air de rentrer au sein de la tête d’impression. Si tel était le cas, elle viendrait à être considérablement détériorée. Dès lors, en moyenne, les cartouches d’Epson conservent 1,64 ml d’encre en fin de vie.
Mais qu’en est-il de cette encre restante ? Est-elle vraiment facturée aux consommateurs comme l’annonçait France 2 en mars dernier ? Là, la réponse est moins évidente. En fait, ce volume de 1,64 ml est bel et bien compté dans le volume d’encre indiqué dans l’emballage, mais uniquement pour des raisons légales. « Si on pouvait supprimer ce volume sur le paquet, qui ne correspond à rien, on y serait favorable », nous indique-t-on. Du côté d’Epson, on préfère se cantonner à l’indication du nombre de pages imprimables, indiqué sur le paquet. Celui-ci respecte en effet les normes ISO 24711 et 19798 et a été adopté par l’ensemble de l’industrie.
Reste que dans les faits, les consommateurs achètent un certain volume d’encre dont ils ne peuvent pas disposer en totalité. Parfois, ce volume de 1,64 ml peut même représenter près d’un quart du volume d’encre. Autant dire qu’il est particulièrement frustrant de devoir changer de cartouche alors qu’il reste encore de l’encre. Cependant, selon Epson, s’ils décidaient d’épuiser totalement la cartouche, il en résulterait une imprimante moins fonctionnelle, avec une tête d’impression défectueuse, et il faudrait imprimer environ 8 ml d’encre supplémentaire pour que la tête d’impression revienne à son état initial. Soit bien plus d’encre gaspillée au final que le seul 1,64 ml sauvé initialement.
Les puces sur les cartouches d’encre
Les accusations contre Epson portent souvent sur la puce présente à l’arrière des cartouches. Celle-ci n’étant pas reliée au réservoir d’encre, comment l’imprimante peut-elle connaître la quantité d’encre restante ? Epson nous explique que ces puces ne permettent pas de mesurer le volume d’encre dans la cartouche, mais le volume d’encre utilisé au préalable pour imprimer. Les puces permettent de stocker le nombre total de gouttelettes d’encre qui ont été pulvérisées grâce au décompte de l’imprimante. Lorsque l’imprimante lit sur la puce que le volume d’encre est épuisé, c’est-à-dire qu’il ne reste plus que 1,64 ml d’encre dans la cartouche, elle considère que la cartouche est vide et qu’il faut donc la changer. Une problématique qui rejoint donc de fait la question de l’encre inutilisée au fond d’une cartouche prétendue vide. La puce n’agit dès lors que comme un compteur total, mais ne vient pas mesurer le volume d’encre restant.
Le tampon saturé qui ne l’est pas
La dernière critique principale portée contre Epson vise cette fois le tampon des imprimantes. Il s’agit d’un élément qui permet d’absorber les résidus d’encre notamment sur les feuilles. Après une dizaine d’années d’utilisation en moyenne, ces tampons se remplissent d’encre et les imprimantes finissent par signaler une panne : « Certains éléments internes de votre imprimante sont en fin de vie. Pour plus de détails, consultez la documentation de votre imprimante ». Un message plutôt vague qui indique en fait qu’il faut donc nécessairement changer le tampon afin de pouvoir continuer à utiliser l’imprimante. Seulement, comme l’ont remarqué de nombreux utilisateurs, les tampons sont souvent encore secs, voire même en partie blancs, et peuvent donc absorber une bonne dose d’encre avant d’être saturés.
En fait, comme pour les cartouches, le nombre d’utilisations de l’imprimante avant saturation du tampon est précalculé et programmé dans l’imprimante comme nous l’a confirmé Epson. Au bout d’un certain nombre de gouttelettes imprimées sur une feuille, l’imprimante va donc automatiquement considérer que le tampon peut être saturé et qu’il doit être changé, et ce sans même mesurer cette saturation en encre ou en humidité de ce tampon.
Pour Epson, ce choix résulte en fait de la stratégie mondiale du constructeur. Présent partout sur le globe, il doit considérer aussi bien les climats tempérés comme la France que les climats tropicaux avec 90% d’humidité dans l’air. Dès lors, Epson base le nombre d’impressions sur ces climats les plus compliqués, pour éviter les fuites des tampons qui ne parviendraient pas à sécher. Tant pis si ce nombre pourrait être bien plus important pour la France métropolitaine et son climat plus sec.
Epson nous explique que remplacement de ce tampon peut être fait gratuitement en centre de réparation, et ce même après la fin de la garantie. Cependant, sur un parc de six millions d’imprimantes Epson en France, seuls 1500 à 2500 tampons sont changés chaque année. Autant dire qu’on est loin du compte. De quoi laisser penser que les consommateurs, une fois le message d’erreur affiché, préféreraient changer d’imprimante plutôt que la faire réparer, ceux-ci n’étant pas nécessairement au courant de ce remplacement gratuit du tampon. Il faut dire que le message d’erreur d’Epson est peu clair et que le constructeur ne communique que très peu sur ce remplacement possible gratuitement.
Une procédure judiciaire toujours en cours
Alors qu’Epson est enfin sorti de son silence, la procédure contre le constructeur suit toujours son cours. En décembre dernier, le parquet de Nanterre indiquait qu’une enquête avait été ouverte suite à une plainte déposée par l’association Halte à l’Obsolescence Programmée (HOP). L’enquête a finalement été confiée à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF).
Epson nous a indiqué ne pas encore avoir été entendu par l’autorité administrative dans le cadre de cette enquête. Le constructeur estime qu’à ce rythme, si procès il devait y avoir, il pourrait être ouvert à l’automne prochain.