L’interopérabilité qui fait d’Android un système si agréable à utiliser est largement absente des services d’Apple. L’écosystème à la pomme est fermé au possible et le DMA voudrait changer cela.
Afin de se prémunir contre la toute puissance des GAFAM, l’Europe a mis en place une riposte à la hauteur : le Digital Markets Act, ou DMA. Il s’agit d’une législation qui encadre ce qui se passe sur les marchés numériques, dans le but essentiellement de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles de certains géants du numérique.
Google a déjà des problèmes aux États-Unis avec la justice américaine sur un possible abus de position dominante (qui pourrait lui faire perdre son navigateur internet Google Chrome) et Apple a aussi eu quelques problèmes, notamment avec l’affaire Epic Games et Fortnite.
Mais ce que le DMA essaie de mettre en place va encore plus loin. Ainsi, ces derniers mois, l’Europe s’est attaquée à l’écosystème ultra-fermé d’Apple (voir la liste des demandes ci-dessous).
Dans un premier temps, la réglementation a réussi à pousser Apple à accepter la création de magasins d’application tiers, qui peuvent remplacer l’App Store, ce qui était parfaitement impossible jusqu’à présent. Autre réalisation du DMA : permettre aux utilisateurs de désinstaller certaines applications installées par défaut sur les appareils iOS.
Apple : un système très fermé
À l’heure actuelle, lorsque vous achetez un smartphone ou une tablette, vous avez le choix entre deux écosystèmes. Le premier est iOS (ou iPad OS) et appartient à Apple. Le second est Android et appartient à Google.
Si les deux systèmes paraissent fonctionner de manière semblable, dans les faits ce n’est pas le cas. Le problème majeur, c’est l’intégration. Si votre appareil iOS fonctionne parfaitement avec vos périphériques Apple (que ce soit des AirPods, une Apple Watch, votre MacBook ou autre), ce n’est pas le cas avec les périphériques d’autres constructeurs.
L’un des exemples flagrants est l’application mobile connecté de Windows. Elle permet de gérer les notifications, les applications et les fichiers sous Android, vous gérez votre smartphone depuis votre ordinateur comme si vous étiez dessus. Par contre, pour iOS, c’est plus complexe : certaines notifications ne sont pas prises en charge par exemple.
Autre exemple concret : lorsque vous branchez votre smartphone sous Android sur votre PC, il se comporte comme un périphérique de stockage externe. Si vous branchez votre iPhone sur votre PC… il ne se passe rien. Vous devez passer par une application tierce.
Mais ce n’est pas le seul problème. Par exemple, l’accès à la puce NFC de votre iPhone ne peut se réaliser que depuis une application Apple, Apple Wallet en l’occurrence. Un très bon exemple est l’application Mes Tickets Navigo qui permet d’utiliser la puce NFC de votre smartphone Android pour prendre les transports en commun à Paris, et qui n’existe pas sur iPhone. A la place, Île-de-France Mobilités a dû développer une solution utilisant Apple Wallet. Autre exemple : le paiement par carte bancaire qui ne peut se faire que via Apple Wallet et pas depuis l’app de paiement de votre banque.
La raison invoquée : la sécurisation du matériel. Apple dit ne pas vouloir que des tiers utilisent les autorisations d’utilisation à des fins contestables. Le géant du numérique a toujours indiqué placer la sécurité de ses utilisateurs devant tout le reste.
De nouvelles mesures pour faire du système Apple un système plus ouvert
Ainsi, les prochains chantiers du DMA envers Apple sont destinés à permettre d’ouvrir le système en rendant accessible à tous des fonctionnalités qui sont pour le moment verrouillées sur l’écosystème Apple.
Seulement voilà, Apple ne l’entend pas de cette oreille et continue de se cacher derrière des problématiques de sécurité, indiquant que les fonctionnalités à ouvrir pourraient être utilisées à des fins dangereuses pour les utilisateurs (vol de données notamment). Mais la question n’est pas là.
À l’heure actuelle, Apple bloque les accès aux applications pour des données qu’il juge sensibles, sauf qu’il pourrait aussi, comme le fait Android, permettre aux utilisateurs finaux de décider ce qu’ils veulent faire, comme le souligne ITdaily.
Il semble que ce soit le comportement de Meta (Facebook, Instagram, Messenger) qui soit à l’origine de cette levée de bouclier. En effet, le géant du numérique demande depuis des années à Apple d’ouvrir les accès de ses applications à certaines fonctionnalités de ses appareils, ce qu’Apple refuse de faire.
Mais ce qui chagrine le plus, c’est qu’Apple fait planer une épée de Damoclès en sous-entendant que l’interopérabilité permettrait aux entreprises de réaliser des actions à l’encontre des utilisateurs, ce qui n’est pas le but, bien entendu. Le but de l’interopérabilité est de faciliter la vie des utilisateurs en leur permettant d’avoir un iPhone, pourquoi pas, mais avec une enceinte d’une autre marque, une montre d’une autre marque, etc sans avoir à le regretter à chaque utilisation par manque d’interopérabilité.
Mais gageons que l’UE sera surement ouverte aux arguments qu’Apple lui fournira une fois que la liste aura été dûment étudiée. Hélas, il y a fort à parier que l’entreprise fasse tout pour retarder l’échéance.
La liste des exigences de l’UE
Voici la liste des fonctionnalités que le comité chargé de la mise en place du DMA a prévu de faire ouvrir par Apple. Notez que sur tous ces points, Android est déjà ouvert.
Fonctionnalités d’interactivité
- Les notifications iOS
À l’heure actuelle, seuls les appareils Apple peuvent lire les notifications en provenance d’iOS et vous permettre d’y répondre (nous avons vu cela plus haut avec l’app mobile connecté de Windows). L’ouverture des notifications doit permettre à n’importe quel appareil, de n’importe quelle marque, d’accéder aux notifications comme le font les appareils Apple.
- Exécution en arrière-plan
Les applications développées par de tiers ne bénéficient pas des mêmes droits d’exécution que les applications Apple, notamment en termes d’exécution à l’arrière-plan. Régler ce problème leur permettra de continuer de communiquer avec l’appareil même si l’application a été fermée (applications de montres connectées, compteurs de pas, etc.).
- Commutation audio automatique
C’est une fonctionnalité d’iOS qui permet de transférer l’audio d’un appareil Apple vers un autre de façon simplifiée sans avoir à réaliser des manipulations spécifiques.
Fonctionnalités de transfert de données
- Connexion WiFi directe à haut débit
La connexion WiFi en peer-to-peer (ou pair à pair) entre deux appareils Apple se fait grâce à l’utilisation d’un module de WiFi Direct.
- AirDrop et Services de transfert de fichiers sans fil à courte distance
Cette fonctionnalité permet d’échanger des fichiers entre deux appareils Apple. Elle équivaut au fameux Quick Share d’Android (qui existe aussi pour Windows). Il serait intéressant de rendre ce module interopérable pour pouvoir transférer des fichiers entre Android et iOS par exemple.
- AirPlay et Diffusion de médias
C’est le système d’Apple permettant de diffuser des contenus depuis un appareil Apple vers un autre appareil Apple. C’est l’équivalent du système de Cast de Google (compatible notamment avec le Chromecast).
Fonctionnalités de configuration de l’appareil
- Appairage des appareils à proximité
Si vous êtes à 100 % dans l’écosystème Apple, vous le savez : il vous suffit d’allumer vos AirPods pour qu’ils se connectent automatiquement à votre iPhone et diffusent immédiatement la musique. Sauf que ce n’est pas le cas des appareils d’autres marques, que vous devez connecter manuellement à chaque fois.
- Connexion WiFi automatique
Rien de particulier à dire, il s’agit d’une fonctionnalité qui permet de se connecter automatiquement à un appareil WiFi qui a déjà été appairé avec le smartphone ou la tablette par le passé. Une fonction qui existe déjà sous Android pour n’importe quel appareil de n’importe quelle marque.
- Accès au contrôleur NFC
Nous en avons parlé plus haut. Le comité d’application de la DMA souhaite qu’Apple ouvre l’accès à la puce NFC de ses appareils afin que d’autres applications puissent s’en servir. Par exemple : paiement par carte dématérialisée, titres de transport dématérialisés, etc.