Pour Laurent Castaignède, essayiste et ingénieur, la voiture électrique est un « désastre annoncé ». Mauvaise disponibilité des ressources, décabornation de la production d’électricité, effets pervers de l’obsolescence, l’ingénieur s’alarme dans son livre « La ruée vers la voiture électrique, entre miracle et désastre ».
En plus de l’arrêt des véhicules thermiques en 2035, l’Union européenne a fait de la voiture électrique un élément clé de sa stratégie pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Mais cette option est-elle vraiment la plus pertinente pour réduire l’impact environnemental des transports ? Pas si sûr, selon l’ingénieur et essayiste Laurent Castaignède, qui publie La ruée vers la voiture électrique, entre miracle et désastre (éditions Écosociété, 2023).
La voiture électrique, un mirage écologique ?
Dans cet ouvrage, il dénonce les illusions et les dangers du développement massif de la voiture électrique, qui pourrait provoquer des pollutions supplémentaires sans réduire la consommation d’énergies fossiles. Castaignède met en avant plusieurs limites à l’électrification des transports :
- La disponibilité des ressources : les batteries des voitures électriques nécessitent des métaux critiques, dont la production est limitée et mal répartie géographiquement. Il estime leur multiplication par quarante entre 2020 et 2040.
- La décarbonation de la production d’électricité : même si l’électricité produite est renouvelable, il faut s’assurer qu’elle sera disponible en quantité suffisante pour recharger les voitures. Il évoque aussi la production d’électricité décarbonée, disponible seulement 30 % du temps en France.
- Les effets pervers de l’obsolescence : l’électrification des voitures pourrait accélérer leur obsolescence, ce qui entraînerait une augmentation des déchets et des ressources consommées.
Ainsi, pour lui, la voiture électrique n’est pas une solution miracle, mais un écran de fumée qui occulte la nécessité d’une « démobilité » motorisée.
Électrification des transports : un « electricgate » en vue ?
Ces limites pourraient conduire à un « electrigate », selon Laurent Castaignède, c’est-à-dire, à une situation où l’électrification des transports ne permettrait pas de réduire les émissions de gaz à effet de serre, voire, les augmenterait.
Ce néologisme est une référence au « dieselgate », le scandale qui a éclaté en 2015 lorsque Volkswagen a été accusé de truquer les tests d’émissions de ses véhicules diesel. Et peut-être même plus vite que prévu, puisque l’Agence internationale de l’énergie prévoit huit fois plus de voitures électriques d’ici 2030.
À lire : Incendies de voitures électriques : la vérité derrière le sensationnalisme
Si ces limites ne sont pas prises en compte, Castaignède estime qu’elles pourraient conduire à un échec de la transition écologique des transports, avec une augmentation des émissions de gaz à effet de serre et bien sûr, une aggravation des problèmes de pollution.
Pour l’ingénieur, la transition écologique des transports devrait passer par une transformation profonde de notre mobilité : passer à des voitures électriques certes, mais aussi plus légères, moins nombreuses, et surtout, plus partagées. Mais il faudra aussi développer, et privilégier, d’autres modes de transports plus écologiques, comme les transports en commun, bien plus efficaces que la voiture individuelle en termes de consommation d’énergie et d’émissions de GES.
Vous pouvez aussi retrouver son interview chez Reporterre.